Une part essentielle de mon activité de recherche s’est focalisée sur les risques corporels inhérents à la pratique sportive, appréhendés sous des angles variés et complémentaires, allant de leur genèse à leur gestion (accidentologie, ressorts de l’engagement, communication préventive, etc.).

Ma formation de chercheur a débuté par une investigation qualitative des variables sociologiques poussant à s’engager dans des pratiques sportives dites « à risque ». Cette approche s’est ensuite enrichie de l’étude de la prévention et de la gestion des risques sportifs. La prise en charge sécuritaire des activités sportives accidentogènes a dès lors constitué l’essentiel de mes travaux. Ainsi, le regard initialement centré sur les pratiquants s’est transformé en une perspective d’analyse focalisée sur les organisations en charge de prévenir le danger et de secourir les adeptes de pratiques sportives « à risque ». Elle consiste à observer, sous l’angle notamment de la sociologie des organisations, les modes de régulation du danger adoptés par les spécialistes de la sécurité, en partant du postulat selon lequel, dans le domaine de la gestion des risques comme ailleurs, le fonctionnement prévu d’une organisation ne saurait être considéré comme une description suffisante de son fonctionnement réel.

L’engagement corporel dans des pratiques dites risquées constitue un angle d’analyse qui éclaire la connaissance de l’objet. Mais les sportifs n’en évoluent pas moins au cœur de systèmes sociotechniques qui exercent une influence sur leur exposition corporelle à l’incertitude. Fort de ce constat, il convient de décentrer le regard du chercheur : au-delà du « preneur de risques », c’est ainsi la production de danger endogène aux systèmes de pratique qui a fait l’objet d’approfondissements, à travers l’analyse de plusieurs cas relevant notamment du secteur des loisirs et du tourisme sportifs. L’objectif est alors d’analyser les risques sportifs dans une perspective systémique, en passant de la monocausalité à une conception plurielle des facteurs de danger. Les cas de la fréquentation de la montagne et des piscines publiques illustrent parfaitement la nécessité de ce renversement intellectuel dans l’appréhension des raisons concourant à la production de danger. De fil en aiguille, il est dès lors apparu que la production de danger, généralement envisagée sous l’angle du rapport individuel au risque, gagnait à intégrer les dimensions organisationnelles et systémiques.

Depuis 2010, dans le cadre de l’ANR Timsa, l’innovation dans l’industrie outdoor en Rhône-Alpes constitue un axe majeur de mes recherches. La perspective adoptée souligne la présence d’une multitude d’acteurs hétérogènes et interdépendants prenant part aux processus d’innovation matérielle. Sur un plan théorique, le parti-pris adopté consiste à inscrire nos réflexions dans le cadre de la sociologie de l’innovation technique. L’optique est donc pragmatique et longitudinale. Les concepts-clé sont ceux de processus (déclinaison en trajectoires, tensions et traduction) et de réseau d’acteurs ordinaires (déclinaison en intéressement, transformation, etc.).

Une certaine proximité d’ordre paradigmatique apparaît avec mes travaux antérieurs sur les risques et les crises : dans les deux cas, l’approche se focalise en effet sur les propriétés émergentes de systèmes et réseaux d’acteurs. Ainsi, il est toujours question de cerner ce que produit d’exceptionnel le fonctionnement d’organisations, en opérant un transfert conceptuel majeur : comme dans le domaine des risques, il ne saurait être question de rechercher l’acteur majeur de l’innovation ; l’enjeu consiste plutôt à observer les contributions et intéressements successifs permettant à l’innovation de suivre une trajectoire aboutie, tout en ne s’interdisant pas de reconstruire la genèse de trajectoires d’innovation inabouties.

Enfin, la dernière dimension de mon activité a trait à la méthodologie de la recherche en sciences sociales, au sens large. Elle est issue d’approfondissements autour des axes de recherche précédents : analyses notionnelles et conceptuelles (à propos des sports « à risque » et « extrêmes ») ; réflexions sur l’apport heuristique de l’observation participante en tant que méthode de recueil de données. À force d’autonomisation vis-à-vis des contextes scientifiques qui les ont engendrés, ces développements en sont progressivement venus à constituer une dimension à part entière de mes travaux. Ils remplissent de fait un double objectif : outre une solidification des recherches sur les thématiques présentées ci-dessus, ils contribuent, par certains aspects, au débat élargi sur la méthodologie de la recherche en sciences sociales…